Alexandra Purcaru, Art Cocktail Club

Alexandra Purcaru, Art Cocktail Club


Alexandra Purcaru, Claudio Vandi et Vincent Moustache by_@juanjerez©


Doux souvenirs de Rimini, sur la côte Adriatique. Ville de Fellini, qui change au gré des saisons. Alexandra y est née, mais n’y est pas restée. Mouvement perpétuel, soif insatiable de découvertes. Au cours de ses nombreux voyages, elle prend plaisir avec Claudio, son mari, à chiner des objets sur les marchés des pays qu’ils visitent. Puis vient la rencontre avec Vincent. Passion commune. Le trio crée Art Cocktail Club. Rencontre avec Alexandra, cette autodidacte qui ne se déplace jamais sans sa collection de verres, dépareillés, qui ont tous quelque chose à raconter.

Alexandra, peux-tu nous parler de ton parcours ?

On me dit souvent, « Oh vous avez un petit accent, vous venez d’où ? Comment êtes-vous arrivée à Paris ? ». Je réponds toujours « en avion ». Pour le cocktail, c’est pareil, j’y suis arrivée en avion ! (sourire) C’était très direct. Ce n’était pas du tout mon parcours initial. J’ai étudié la littérature étrangère puis j’ai travaillé dans la mode. J’étais acheteuse pour des boutiques vintage, j’ai toujours eu une passion pour tout ce qui est chiné. Cela se reflète dans ma verrerie, la scénographie de nos événements et mon style de cocktail d’ailleurs.
J’ai créé "I don’t have a sister », marque de bijoux en verre, soufflé à Murano, dont une partie de la collection était dédiée à l’art de la table ; de la verrerie, des assiettes. Nous organisions à l’époque avec Claudio Vandi et Vincent Moustache des dîners chez nos amis, j’apportais ma vaisselle et nous faisions des cocktails. Art Cocktail Club était né.


Raconte-nous Art Cocktail Club

Il y a de l’art et on fait des cocktails, tout simplement ! La première fois qu’on en a parlé on était au musée d’Histoire Naturelle, fascinés par tout ce qu’il renferme. Vincent dessinait, Claudio imaginait des cocktails et le soir à la maison, on s’est dit « pourquoi on ne le fait pas plus sérieusement ? ». Nous sommes donc trois, Vincent, illustrateur, qui est notre directeur artistique. Claudio qui écrit très bien, il nous raconte de très belles histoires et imagine les cocktails avec moi. Et moi je crée les cocktails et les recettes. On a une approche créative très complémentaire avec Claudio, on ne valide jamais une recette l’un sans l’autre. Art Cocktail club, c’était pour moi l’occasion de pouvoir m’exprimer différemment, une transition par rapport au monde de la mode. Le fait d’organiser des événements dans des pays différents permet de rester libre, ce nomadisme, jusqu’à présent, a été très riche. Récemment, on a émis l’idée de pouvoir s’installer quelque part, un lieu fixe mais caché, super confidentiel, très différent d’un bar à cocktail, qui pourrait être dédié à plusieurs disciplines artistiques.


Comment réagissent vos convives quand tu ramènes tes deux cents verres chinés tous singuliers et différents ?

Ils adorent. J’ai besoin de proposer quelque chose de différent. L’expérience réside dans le cocktail bien sûr mais aussi dans l’endroit, la déco, la musique, l’espace, l’accueil, l’odeur du lieu. Pour l’installation du bar Selva à Oaxaca, pour lequel j’étais consultante, j’ai ramené énormément d’objets de chez moi dont l’âme allait avec le lieu. Je pense que les gens apprécient car ils sentent que c’est vrai, que c’est ma personnalité.



Où trouves-tu l’inspiration pour créer les cocktails ?

Dans les marchés. Tu sens les choses. Dès qu’on voyage, il y a toujours deux étapes : le marché puis les bars à cocktails. Selon moi, créer un cocktail c’est créer le goût mais également penser à un contenant. Je ne peux pas créer un cocktail si je n’ai pas une histoire, un nom et un verre adapté.
Je m’inspire aussi énormément du courant surréaliste et des années 20 dans l’élaboration de mes cocktails.


Quels spiritueux te sont indispensables, pour l’élaboration d’un cocktail ?

Pour commencer, le Cynar 70 Proof, c’est une édition spéciale que l’on ne trouve qu’aux Etats-Unis. Je suis récemment tomber dessus à San Marino en Italie dans une petite cave, j’ai acheté tout le stock (rire) ! Je dirai aussi le Mezcal, sans hésitation. Il y a également les liqueurs de réglisse et de noix verte que mes parents font en Italie, c’est incroyable. Ensuite le Bitter Gagliardo ou encore Liquore Delle Sirene ( Elixir de l’amour). Je suis une addict du Verjus, c’est sans alcool mais indispensable pour les cocktails. Enfin Electric Velvet (ex Hystérie) ! Et je ne dis pas ça pour te faire plaisir. Au départ mon préféré était Cuir Lointain (ex Procrastination), puis Electric Velvet s’est imposée, un coup de foudre. Ça dépend des moments de vie, comme un parfum.


Quel regard portes-tu sur l’industrie du bar aujourd’hui ?

J’aimerais voir plus de femmes derrière le bar. Quand tu es une femme et que tu n’as pas de tatouages ou un côté « dark », on ne te prend pas forcement au sérieux. J’aimerais aussi beaucoup voir des personnes vraiment passionnées qui suivent leur passion sans pour autant avoir fait d’études.
Avec la passion on peut tout faire.


Quels sont les figures qui t’inspirent ?

Georgette Petroska, j’aime son approche et sa culture du cocktail, elle a un palais incroyable. Sandor Ellix Katz, le roi de la fermentation. Il a commencé avant tout le monde à écrire et à parler de la fermentation. Et ma grand-mère qui faisait des conserves pour l’hiver en Italie.



Quel bar à ne pas rater à Paris ?

Neso 2 ! Ils arrivent à faire des choses étonnantes en terme de goût, ils utilisent des ingrédients premiums et français, beaucoup de folie et de créativité. J’aime également beaucoup CombatDivine et Fréquence sur Paris. Cravan c’est super aussi mais c’est juste trop loin. Tout est très bon, très pur.


Et à Londres ?

Il y en a tellement à Londres. Le Mint Gun Club. Oriole, je m’y sens comme à la maison. Londres est plus libre et plus extravagante que Paris.


Tu connais l’importance que nous accordons aux mots, spontanément, quel serait un de tes mots fétiches, un mot qui t’inspire ?

Je dirais « Chaos ». Le mot peut sembler péjoratif mais au contraire, c’est beau, court, direct.


Si tu devais créer le cocktail « Chaos », dans un monde où tout est possible, que renfermerait-il ?

Un cocktail amer mais avec des nuages. Je viens de terminer la lecture d’un livre fou sur des recettes pour créer des « nuages » culinaires. J’utiliserais aussi du charbon actif pour la couleur noire. Quelque chose de mousseux, noir et amer, voilà mon chaos.



Un cocktail à faire avec H.THEORIA ?

Un Negroni avec Electric Velvet (ex Hystérie), floral et très épicé. Sous une cloche, avec de la fumée ! Je mettrais vraiment en avant ses notes d’estragon.


Selon toi, avant de mourir, quel cocktail faut-il avoir bu ?

Un hanky-panky ! Inventé par une femme, Ada Coleman, à Londres au Savoye dans les années 30. Vermouth, gin, Fernet Branca. Un cocktail à trois ingrédients. Très simple, très italien, élégant. J’adore !


Qu’est-ce qu’il faut boire dans un musée ?

Un Martini ! Soit dirty, soit perfecto. Tu te promènes dans les couleurs, devant les œuvres, un Martini à la main, c’est parfait.


Un parfum à porter lorsqu’on fait des cocktails ?

Je porte un parfum créé par Le Labo, mais je ne dirai pas lequel.

Tu sais que nous apprécions particulièrement les aspérités humaines, quel est le plus gros défaut qu’il faut avoir pour être un artiste ?

De manière générale, ne jamais être à l’heure ! (rire)

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